Nysen, c'est un peu cette figure emblématique des bas-fonds, ce nom que tout le monde connaît, cet homme qui habite ici depuis toujours, sans que personne ne sache réellement d'où il vient -ni, au fond, qui il est vraiment. Nysen, c'est une source de savoir pour qui ose lui poser ses questions, c'est une mine de trésors pour qui cherche un objet en particulier, c'est un érudit parmi les ignorants. Puits de science et faiseur d'histoires, on raconte dans les ruelles qu'il connaît l'intégralité des livres de la bibliothèque municipale, y compris les anciens ouvrages gardés secrètement dans la vieille réserve. Fait avéré ou inventé, il demeure qu'il est bien plus ingénieux et instruit que la quasi-totalité des habitants des bas-fonds, ce qui ne fait qu'augmenter cette impression de savoir omniscient.

Certains racontent qu'il a toujours vécu dans l'ombre des bas-fonds, d'autres qu'il y est apparu un jour, sans que personne ne fasse attention. Dans un sens, les certitudes à son sujet se font bien rares, autant que les personnes sachant quelque chose de son passé. Si les gens savent qu'il est un Fregus, personne ne lui connaît de famille, ici ou ailleurs. Sage perdu entre les ruelles sombres du quartier, son existence est quelque part aussi mystérieuse que l'image qu'il renvoie aux gens qu'il croise et, même si certains s'énerveraient d'être l'objet de tant de questions, lui s'en amuse, convaincu à raison que personne ne mettra son passé en lumière. Après tout, quel individu irait consulter un homme tout ce qu'il y a de plus banal ? S'il y a bien quelque chose que Nysen a appris au cours de son existence, c'est bien celle-ci -la banalité n'a de valeur qu'aux yeux des plus originaux.

Marginal avant l'heure, il ne se voyait ni vivre une existence bien oisive, ni suivre la route toute tracée que ses parents avaient dessinée pour lui, bien loin de là. Mettant fin aux espoirs de sa fratrie dès sa majorité, Nysen a pris son envol bien assez tôt, pour vivre sa vie de la manière qu'il l'entendait, refusant le rôle d'historiographe qu'on le destinait à devenir. Relater un passé et des évènements dont il ne ferait jamais partie, voire qu'il ne verrait jamais de ses propres yeux ? Très peu pour lui, pour qui l'ennui est son plus grand ennemi. Malgré le danger que représente une vie nomade pour sa race, il a donc voyagé, allant de place en place pour étancher sa soif de connaissances et de découvertes, consolidant son savoir tout en explorant des sujets dont les gens semblaient avoir oublié l'existence. La magie, sous quelque forme que ce soit, est et reste un sujet qui le passionne, bien que les informations la concernant soient rares.

Vivant à Bersinar depuis de bien nombreuses années déjà, il s'est habitué au rythme des bas-fonds sans même sans rendre compte, alors qu'il ne comptait y rester que quelques mois initialement. Grand manitou au savoir inégalable, il est aujourd'hui consulté par qui chercherait une réponse à n'importe quelle question, qui aurait besoin d'un conseil, d'un avis, ou juste d'une oreille attentive. Il répond, parfois pas, tourne quelques fois autour du pot, s'amusant à faire réfléchir ses visiteurs plutôt qu'à tout leur offrir sur un plateau. Car après, les histoires les plus captivantes sont celles que nous fabriquons nous-même.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, Calel est issu d'une famille plutôt bourgeoise de Valtameri. Restaurateurs de père en fils, il était prédit qu'il reprenne la suite de l'entreprise familiale dès sa majorité, comme l'avaient fait tous les Al'gazar avant lui. Seulement, Calel n'a pas été de cet avis. Depuis son enfance, tout ce qui l'intéressait résidait en une chose : l'art. Là où certains ne voyaient que des taches sans intérêt, lui voyait des mondes abstraits de formes et de couleurs chatoyantes. Passionné par tout ce qui touche à la peinture, il commença très jeune à produire ses premiers essais, malgré la difformité de ses oeuvres. Suivant son échec de très près, son père n'a d'ailleurs pas attendu avant de lui rappeler que son futur se trouvait derrière les fourneaux, et pas devant une toile blanche. Qu'à cela ne tienne, Calel n'était pas de ceux qui baissent les bras aussi facilement. N'abandonnant pas sa passion pour si peu, il continue, produit et produit, jour après jour, nuit après nuit, jusqu'à ce que, petit à petit, il commence à développer un vrai sens artistique, une vraie patte qui n'appartient qu'à lui. Se mettant définitivement son père à dos, il déménage de chez lui dès sa majorité, louant un petit atelier perdu au-dessus d'une boutique quelconque.
A l'âge d'à peine vingt ans, il commence alors à vendre ses premières toiles à Valtameri. Si le succès se fait timide au départ, après quelques années, Calel Al'gazar est un nom qui circule plutôt bien chez les intéressés. Certes, il n'est pas l'un des plus grands artistes du siècle, mais ses tableaux sont tout de même très bien appréciés et il peut se vanter de gagner presque honorablement sa vie avec ses toiles. Seulement, la vie commence à se faire longue à Valtameri, et l'impression de tourner en rond commence à se faire ressentir très rapidement. Régulièrement, il part donc en escapade, visitant quelques endroits intéressants d'Evehnet afin d'enrichir ses oeuvres avec un nouveau regard. Sa dernière virée en date ? Bersinar. Et il faut avouer que, s'il ne suit pas réellement la politique et même s'il adore cette ville minière, l'idée d'y rester enfermé si les choses dégénèrent ne lui plaît pas vraiment.